Mettre les études postsecondaires à la portée de tous

Les étudiants et leur famille supportent le fardeau toujours plus lourd du coût des études supérieures. Résultat d’années de croissance des frais de scolarité pour compenser un financement public stagnant, un diplômé sur deux se retrouve lourdement endetté, soit de 28 000 $ en moyenne.

Si l’on y ajoute une inégalité croissante et des salaires qui stagnent, moins de Canadiens ont accès à une éducation ou une formation à coût abordable. Des études collégiales ou universitaires ouvrent plus de possibilités aux jeunes et leur permettent, notamment, de mieux s’en sortir financièrement et de rompre le cycle de la pauvreté. Cependant, aux prises avec l’augmentation du coût de la vie et avec un chômage élevé parmi les jeunes, l’éducation postsecondaire devient pour eux inabordable. Les familles à faible revenu, les étudiants racialisés, noirs ou autochtones, et les étudiants handicapés sont grandement désavantagés.

Si un Canadien sur deux a fréquenté un établissement postsecondaire, presque tous les Canadiens (93 %) déclarent qu’ils auraient fait des études postsecondaires s’ils n’avaient pas eu de frais de scolarité à payer. La valeur des études collégiales ou universitaires est largement reconnue, mais l’abordabilité reste un obstacle.

  • « Depuis la dernière récession en 2008, les dépenses des gouvernements provinciaux dans ce secteur ont diminué de 1 % en termes réels. Dans le même temps, les effectifs étudiants ont augmenté de 20 % et le revenu des frais de scolarité de 70 % [...] Le recours aux frais de scolarité pour résoudre la crise du financement n’est tout simplement pas viable1. » – Brenda Austin-Smith, présidente de l’ACPPU
  • « Dans tout le pays, les étudiantes et étudiants rejettent les mesures d’austérité imposées pour compenser la dette publique en cessant de financer l’éducation […] Nous demandons à nos élus de respecter leur engagement d’offrir à tous les apprenants une éducation de qualité abordable et accessible. » – Fédération canadienne des étudiantes et étudiants (FCEE).2
    • Terre-Neuve-et-Labrador : Gel des frais de scolarité éliminé et frais de scolarité doublés pour les étudiants canadiens (les étudiants actuels payant 4 % de plus par an jusqu’en 2026).
    • Manitoba : Gel des frais de scolarité éliminé, ce qui permet d’augmenter les droits tous les ans et se traduit pour les étudiants par une autre hausse de 3,75 % des frais de scolarité à l’Université du Manitoba.
    • Nouveau-Brunswick : L’annulation des programmes de gratuité de la scolarité et de frais de scolarité réduits pour la classe moyenne a diminué l’accès à l’EPS.
  • Les gouvernements provinciaux font l’essai de programmes de réduction des frais de scolarité ciblés sur les étudiants qui en ont le plus besoin. En Ontario, environ 40 % des étudiants postsecondaires à plein temps ont bénéficié du programme de gratuité de la scolarité quand il était en place. Le programme Subvention d’appui aux étudiantes et étudiants de l’Ontario a transformé pour 500 millions de dollars de prêts en subventions en 2017-2018, afin que les étudiants de famille à faible revenu n’aient pas de dettes d’études une fois diplômés et que les frais de scolarité universitaires ou collégiaux d’au moins 50 % des étudiants de famille à revenu moyen soient couverts.

 

  • Près de huit Canadiens sur dix sont d’accord que les étudiants doivent trop emprunter pour payer leur éducation et que le coût ne devrait jamais empêcher personne de faire des études3.
  • 54 % des diplômés universitaires sont endettés à la fin de leurs études et 45 % doivent plus de 25 000 $4.
  • Depuis 10 ans, les universités s’appuient de plus en plus sur les frais de scolarité comme source de revenus. À l’échelle nationale, la proportion des revenus tirés des frais de scolarité est passée de 24,7 % en 2013-2014 à 29,4 % en 2018-20195.


Solutions

  • Inclure des mesures d’abordabilité dans une stratégie nationale pour l’enseignement postsecondaire qui réduira les frais de scolarité, tout en maintenant le financement de fonctionnement des établissements.

Le financement public n’a pas suivi la hausse des inscriptions et, le financement diminuant, les universités et collèges augmentent les frais de scolarité et autres droits à la charge des étudiants pour combler le déficit de financement. À cause des frais de scolarité sans cesse croissants, les études postsecondaires deviennent inaccessibles pour certains, tandis que le niveau d’endettement d’autres devient insupportable. De fait, les frais de scolarité moyens du premier cycle sont en hausse. Parallèlement, une part grandissante de l’aide fédérale est fournie dans le cadre du régime fiscal et du Programme canadien pour l’épargne-études (PCEE). Cette approche profite principalement à ceux qui sont moins susceptibles d’avoir besoin d’une aide financière, comme les familles et les personnes des tranches d’imposition supérieures. En effet, pour recevoir une aide dans le cadre de mesures fiscales, les étudiants ou les familles doivent payer des frais de scolarité et d’autres frais de leur poche, après quoi ils bénéficient d’une réduction d’impôt l’année suivante ou, parfois, des années plus tard. Ce décalage entre le moment du paiement des frais de scolarité et celui où l’aide est reçue décourage et désavantage des étudiants potentiels qui ne peuvent pas réunir à l’avance les fonds nécessaires. En fait, les mesures de financement fédérales devraient faire en sorte de rendre l’éducation postsecondaire abordable pour les étudiants sans compromettre le financement des établissements.

  • Rendre permanent le doublement de la subvention aux étudiants, mesure liée à la pandémie qui doit expirer en juillet 2023.
  • Passer à un modèle de financement moitié subventions, moitié prêts.

La répartition de l’aide fédérale penche trop en faveur des prêts. En effet, par dollar de subventions que verse le gouvernement fédéral, il prête 2 $ en fonds qui doivent être remboursés. Il serait plus équitable, notamment pour les familles à revenu faible à moyen, que le gouvernement passe à un modèle où il y aurait moitié de subventions et moitié de prêts. Cette mesure marquerait une étape bienvenue vers une éducation postsecondaire publique, universelle et gratuite, conformément à notre approche de l’éducation primaire et secondaire, ainsi que des services de santé de base.

  • Éliminer de façon permanente l’intérêt sur les dettes liées à des prêts étudiants fédéraux.

Le gouvernement fédéral apporte une aide aux étudiants sous forme de prêts d’études, mais il leur facture un taux d’intérêt élevé. De fait, les taux d’intérêt variables sur les prêts aux étudiants consentis par le palier fédéral sont égaux au taux préférentiel plus 2 %, soit nettement plus que le taux courant sur bien des prêts hypothécaires. Lorsque les diplômés endettés finissent de rembourser leurs prêts – avec intérêt –, ils ont payé sensiblement plus pour leurs études que leurs pairs en mesure de payer comptant leurs frais de scolarité. La crise économique causée par la pandémie se ressentira pendant de nombreuses années encore et le gouvernement fédéral devrait, comme première mesure pour réduire les inégalités économiques générationnelles, supprimer pour de bon l’intérêt sur les dettes liées à des prêts d’études fédéraux.

  • Investir dans l’éducation des Autochtones.

Il faut éliminer l’écart entre le niveau d’études postsecondaires des étudiants autochtones et des étudiants non autochtones en augmentant le financement des programmes d’enseignement postsecondaire autochtones d’au moins 650 millions de dollars par an. En 2016, le supplément au Programme d’aide aux étudiants de niveau postsecondaire qui aide à financer l’éducation des Premières Nations et des Inuits a été plafonné à une augmentation de 2 % par an, même si l’inflation et la croissance démographique étaient supérieures à ce point de référence. Résultat, le programme ne suffit pas à résorber le nombre d’étudiants en attente d’une aide qu’il est censé apporter.


[1] « Les universités et les collèges en route vers une crise », 23 novembre 2020 (d’abord publié dans le Toronto Star), https://www.caut.ca/latest/2020/11/les-universites-et-les-colleges-en-route-vers-une-crisis

[2] https://cfs-fcee.ca/standing-in-solidarity-with-students-of-newfoundland-and-labrador/, 9 juillet 2021.

[3] Sondage national de 2019, https://www.caut.ca/fr/latest/2019/09/les-canadiens-veulent-une-education-postsecondaire-accessible-abordable-et-de-grande-qualite

[4] 2015 (le plus récent), https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=3710003601&request_locale=fr

[5] Statistique Canada, « Répercussions financières projetées de la pandémie de COVID-19 sur les universités canadiennes pour l’année universitaire 2020-2021 », août 2021.


L’ACPPU croit que l’accès complet aux études postsecondaires profite à la fois aux Canadiennes et Canadiens et à la société en général. Il faut éliminer toutes les barrières qui limitent l’accès et la participation aux études postsecondaires, dont les barrières financières. Pour en savoir plus : Politique de l’ACPPU sur les frais de scolarité et l’aide financière.