La précarité du travail dans les établissements académiques du Canada

Les conditions de travail du personnel académique sont les conditions d’apprentissage des étudiants.

Le personnel académique des universités et des collèges du Canada occupe de plus en plus souvent des emplois atypiques, soit à temps partiel ou dans le cadre de contrats temporaires et de courte durée. On a tendance à dire que ces contrats de courte durée ou à la demande dans le domaine de l’éducation postsecondaire (ÉPS) avantagent tant les établissements que les travailleurs. C’est sans compter les membres du personnel académique contractuel (PAC) qui cherchent un emploi permanent, assument d’immenses charges de travail en contrepartie de chèques de paie misérables et effectuent leur travail sans les ressources accordées aux professeurs permanents et à temps plein. Loin de l’attrait de la souplesse, cette histoire concerne l’aspect décourageant et démoralisant de la précarité. La réalité est qu’au Canada, un travailleur académique sur trois travaille à contrat, et certains de ces travailleurs gagnent moins qu’un salaire de subsistance.

Nous savons qu’un système d’éducation postsecondaire de grande qualité inclut et valorise une diversité de voix et de connaissances. Pourtant, les travailleurs académiques des groupes en quête d'équité font encore l’objet d’une importante discrimination : ils sont sous-représentés, gagnent, en moyenne, moins et travaillent plus souvent à contrat. En raison du financement gouvernemental inadéquat de nos collèges et de nos universités, les membres du personnel académique canadien sont plus nombreux à travailler à contrat. Or, cette précarité croissante de l’emploi amoindrit la qualité de l’enseignement et de la recherche au Canada. 

« [Traduction] Je pense que la perte des résultats de la recherche érudite (surtout pour les personnes dont les portes du milieu académique ne se sont ouvertes que récemment, soit les femmes, les Autochtones, les personnes de couleur, les LGBTQ2; etc.) constitue un problème de poids qui semble sous-estimé dans le dialogue en cours sur le nombre élevé de professeurs à contrats. »[1]

De plus, le sous-financement de l’éducation postsecondaire exacerbe la précarité d’emploi des groupes actuellement victimes de précarité : les femmes, les Autochtones ainsi que les personnes racialisées, handicapées ou LGBTQ2S. Les femmes et les travailleurs académiques racialisés travaillent plus d’heures par cours par semaine que leurs collègues masculins blancs et sont surreprésentés dans les catégories aux salaires plus faibles, perpétuant ainsi les inégalités et le racisme systémique dans notre pays.

Pour les professeurs à contrat, la précarité est souvent synonyme de pauvreté et d’insécurité économique. Le tarif au cours est parfois de 5 $, ce qui signifie qu’une personne peut assumer une charge de cours complète dans une université et être tout de même dans la pauvreté.[2]

Nos solutions

Recueillir de meilleures données sur l’éducation postsecondaire, sur les investissements fédéraux dans la recherche et l’innovation et sur l’abordabilité des études.

Les investissements fédéraux dans la recherche, l’innovation, l’abordabilité des études et l’engagement envers l’équité et les conditions de travail décentes sont consentis à l’aide de données limitées sur le secteur. En 2016, le gouvernement s’est engagé à faire l'essai d’une meilleure collecte de données concernant la main-d'œuvre académique afin de tenir compte des travailleurs et des collèges à temps partiel. Un financement supplémentaire est nécessaire pour combler ces lacunes, entre autres, afin d’aider les gouvernements provinciaux et fédéral ainsi qu’un vaste éventail d’intervenants à recueillir les données probantes requises pour éclairer les décisions à prendre dans divers domaines politiques.

  • Augmenter immédiatement de cinq millions de dollars le financement de Statistique Canada afin de combler les lacunes concernant les données clés sur la précarité des conditions de travail, l’accès, l’abordabilité, la qualité, l’équité, la santé mentale et l’emploi.

Élaborer une stratégie nationale avec les provinces et les territoires afin d’assurer un financement fédéral suffisant et stable qui soutiendra l’éducation postsecondaire de qualité.

Un renouvellement du leadership fédéral est nécessaire pour renforcer notre capacité de recherche, contenir les frais des étudiants et de leurs familles respectives, réduire les inégalités en matière d’éducation et accroître l’accès aux études. Il faut investir pour que les étudiants continuent d’avoir accès à un enseignement de qualité afin de créer des perspectives d’emploi équitables et durables dans les communautés du pays. Grâce à une augmentation du financement de l’éducation postsecondaire et à un plan axé sur l’expansion et la diversification du personnel académique à temps plein, il sera possible de réduire la dépendance du secteur vis-à-vis des emplois précaires et de renforcer les capacités de recherche scientifique du Canada.

  • Investir un minimum de trois milliards de dollars sous forme de financement fédéral direct au moyen d’un transfert de fonds réservés à l’éducation aux provinces et aux territoires pour que les universités et les collèges puissent rendre les études plus abordables pour tout le monde, en faciliter l’accès à celles et ceux qui en ont besoin et remédier au problème du travail précaire.

Pour que les provinces puissent être d’actives partenaires dans les efforts pour soutenir le secteur de l’éducation postsecondaire, ce financement fédéral doit comprendre des mécanismes de reddition de comptes qui garantissent l’utilisation des fonds aux fins prévues.

  • Créer un secrétariat ou une direction fédéral(e) à l’éducation postsecondaire au sein du gouvernement fédéral afin de faciliter la collaboration intergouvernementale et coordonner des initiatives concernant, notamment, la recherche et la science, l’aide aux étudiants, les données et l’innovation.

[1] Karen Foster et Louise Birdsell Bauer. « Out of the Shadows: Experiences of Contract Academic Staff. » (2018).

[2] Chandra Pasma et Erika Shaker. « Contract U: Contract faculty appointments at Canadian universities. » (2018).